Je croyais ne semer qu'une fleur de printemps : ..
Je croyais ne semer qu'une fleur de printemps :
Parfois un enfant trouve une petite graine
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Le pot de fleurs
Parfois un enfant trouve une petite graine
Et tout d'abord, charmé de ses vives couleurs,
Pour la planter il prend un pot de porcelaine
Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs.
Il s'en va. La racine en couleuvres s'allonge,
Sort de terre, fleurit et devient arbrisseau ;
Chaque jour, plus avant, son pied chevelu plonge,
Tant qu'il fasse éclater le ventre du vaisseau.
L'enfant revient ; surpris, il voit la plante grasse
Sur les débris du pot brandir ses verts poignards ;
Il la veut arracher, mais la tige est tenace ;
Il s'obstine, et ses doigts s'ensanglantent aux dards.
Ainsi germa l'amour dans mon âme surprise ;
Je croyais ne semer qu'une fleur de printemps :
C'est un grand aloès dont la racine brise
Le pot de porcelaine aux dessins éclatants.
J'ai cueilli cette fleur pour toi
J'ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline
J'ai cueilli cette fleur pour toi sur la colline.
Dans l'âpre escarpement qui sur le flot s'incline,
Que l'aigle connaît seul et seul peut approcher,
Paisible, elle croissait aux fentes du rocher.
L'ombre baignait les flancs du morne promontoire ;
Je voyais, comme on dresse au lieu d'une victoire
Un grand arc de triomphe éclatant et vermeil,
À l'endroit où s'était englouti le soleil,
La sombre nuit bâtir un porche de nuées.
Des voiles s'enfuyaient, au loin diminuées ;
Quelques toits, s'éclairant au fond d'un entonnoir,
Semblaient craindre de luire et de se laisser voir.
J'ai cueilli cette fleur pour toi, ma bien-aimée.
Elle est pâle, et n'a pas de corolle embaumée,
Sa racine n'a pris sur la crête des monts
Que l'amère senteur des glauques goémons ;
Moi, j'ai dit: Pauvre fleur, du haut de cette cime,
Tu devais t'en aller dans cet immense abîme
Où l'algue et le nuage et les voiles s'en vont.
Va mourir sur un coeur, abîme plus profond.
Fane-toi sur ce sein en qui palpite un monde.
Le ciel, qui te créa pour t'effeuiller dans l'onde,
Te fit pour l'océan, je te donne à l'amour. -
Le vent mêlait les flots; il ne restait du jour
Qu'une vague lueur, lentement effacée.
Oh! comme j'étais triste au fond de ma pensée
Tandis que je songeais, et que le gouffre noir
M'entrait dans l'âme avec tous les frissons du soir !
Moi je suis la tulipe
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La tulipe
Moi, je suis la tulipe, une fleur de Hollande
Et telle est ma beauté, que l’avare Flamand Paye
un de mes oignons plus cher qu’un diamant,
Si mes fonds sont bien purs, si je suis droite et grande.
Mon air est féodal, et, comme une Yolande
Dans sa jupe à longs plis étoffée amplement,
Je porte des blasons peints sur mon vêtement,
Gueules fascé d’argent, or avec pourpre en bande.
Le jardinier divin a filé de ses doigts
Les rayons du soleil et la pourpre des rois
Pour me faire une robe à trame douce et fine.
Nulle fleur du jardin n’égale ma splendeur,
Mais la nature, hélas ! n’a pas versé d’odeur
Dans mon calice fait comme un vase de Chine.
La violette dans les prés verts
La violette
Dans les prés verts où le ruisseau Passe et murmure
Tu mires au cristal de l'eau Ta tête pure;
Petite fleur qu'un souffle suit, Si parfumée,
Par toi la brise de la nuit Est embaumée.
Lorsque l'étoile, à l'horizon, Pâle s'allume,
Sur ta corolle son rayon Blanc se parfume;
Quand tu fuis les regards de tous, Humble et discrète,
Ton doux parfum, ô Violette, Monte vers nous.
Le premier souffle du printemps Te fait éclore.
Et l'hiver qui blanchit nos champs
Te voit encore; Dans la mansarde, ô douce fleur,
À la souffrance Tu portes l'agréable odeur Et l'espérance.
Quand nos larmes tombent sur toi, Triste rosée,
Tu consoles dans son émoi L'âme brisée;
Lorsque ton calice fermé Devient tout pâle,
Ton dernier souffle qui s'exhale Est parfumé.
Le destin m'ait cachée au sein touffu de l'herbe
La Violette
Pourquoi faut-il qu'à tous les yeux
Le destin m'ait cachée au sein touffu de l'herbe,
Et qu'il m'ait refusé, de ma gloire envieux,
La majesté du lis superbe .
Ou que n'ai-je l'éclat vermeil
Que donne le printemps à la rose naissante,
Quand, dans un frais matin, les rayons du soleil
Ouvrent sa robe éblouissante .
Peut-être pourrais-je en ces lieux
Captiver les regards de la jeune bergère
Qui traverse ces bois, et, d'un pied gracieux,
Foule la mousse bocagère.
Avant qu'on m'eût vu me flétrir,
Je me serais offerte à ses beaux doigts d'albâtre;
Elle m'eût respirée, et j'eusse été mourir
Près de ce sein que j'idolâtre.
Vain espoir ! on ne te voit pas;
On te dédaigne, obscure et pâle violette !
Ton parfum même est vil ; et ta fleur sans appas
Mourra dans ton humble retraite.
Ainsi, dans son amour constant,
Soupirait cette fleur, amante désolée;
Quand la bergère accourt, vole, et passe en chantant;
La fleur sous ses pas est foulée.
Son disque, à sa tige arraché,
Se brise et se flétrit sous le pied qui l'outrage;
Il perd ses doux parfums, et languit desséché
Sur la pelouse du bocage.
Mais il ne fut pas sans attrait
Ce trépas apporté par la jeune bergère,
Et l'on dit que la fleur s'applaudit en secret
D'une mort si douce et si chère.
Cétait cette fleur qu'on appelle pensée
La pensée
Un soir, vaincu par le labeur
Où s'obstine le front de l'homme,
Je m'assoupis, et dans mon somme
M'apparut un bouton de fleur.
C'était cette fleur qu'on appelle Pensée;
elle voulait s'ouvrir, Et moi je m'en sentais mourir :
Toute ma vie allait en elle.
Echange invisible et muet :
A mesure que ses pétales Forçaient les ténèbres natales,
Ma force à moi diminuait.
Et ses grands yeux de velours sombre
Se dépliaient si lentement Qu'il me semblait que mon tourment
Mesurât des siècles sans nombre.
Vite, ô fleur, l'espoir anxieux De te voir éclore m'épuise;
Que ton regard s'achève et luise !